Date et lieu de naissance : 20 septembre 1948 à Badenweiler Allemagne
Quand et pendant combien d’années êtes-vous resté au GMHM ?
Je suis arrivé au groupe fin 1984 et j’y suis resté jusqu’à l’été 1986.
Comment êtes-vous arrivé au GMHM ? Quelle était votre situation antérieure ?
En fait, je suis arrivé au groupe un peu par hasard : J’étais à l’époque directeur des stages à l’EMHM, guide de haute montagne et moniteur de ski. Le commandant du groupe Jean Claude Marmier devait, pensait-il, commander l’école au départ de Jean Paul Peeters et donc ils cherchaient tous les deux un remplaçant. Comme Alain Estève était parti dans l’ALAT, mon nom a été proposé.
Je suis donc parti au Sikkim avec Marmier et Lionel Mailly et nous avons fait, avec une expé de l’armée indienne, le Kabru Dome 6600m (l’objectif initial était le Kabru peak à 7300m mais les conditions nous ont empêché). Ensuite j’ai enchainé par l’expédition au Kamet. C’est en revenant du Kabru que Marmier a appris que sa candidature pour l’école ne fonctionnerait pas et du coup, ma position vis-à-vis de lui est devenue « délicate ». De toute façon, un gros problème de santé qui s’est révélé au Kamet, m’a contraint à quitter le groupe et l’école pour aller, après un traitement de cheval, me regénérer au CEMP de Barèges.
De fait, ma passion de la montagne, était depuis toujours plus centrée sur le métier de guide que sur la recherche de performance (je viens seulement d’y mettre un terme en septembre 2023). Le noyau initial du groupe était composé des militaires qui pratiquaient l’excellence en alpinisme et préparaient les brevets d’état. Nous nous connaissions tous très bien et pratiquions ensemble. Nous en avions eu l’occasion dans les cursus militaires et avons continué après nos examens à l’ENSA (j’ai passé le guide avec Hubert Giot, Alain Estève, Dominique Seguier et d’autres qui n’étaient pas au groupe…) contribuant à créer cette imbrication entre la direction des stages et le GMHM.
Quel était votre rôle au sein du Groupe ?
Mon rôle était donc en principe de me préparer à la direction du groupe mais il s’est vite réorienté du fait du changement concernant Jean Claude Marmier. J’étais en outre chargé de tout ce qui concernait les liaisons radios et sources d’énergie. Je me suis aussi beaucoup intéressé au travail cinématographique de Pierre Royer notamment dans la partie montage et rédaction des commentaires de films au retour d’expé. Lorsque Pierre Royer et Alain Estève ont amené le parapente dans le milieu de la haute montagne, je me suis engagé avec passion dans cette voie, passant le BE en 1987 et bien plus tard, à la demande du général Bachelet, organisant sa pratique et son enseignement au sein des troupes de montagne et de l’armée de terre.
Que pensez-vous que votre passage au GMHM vous a apporté ?
Pour moi le groupe est avant tout une affaire d’amitié. Nous connaissant tous avant sa création et ayant continué à pratiquer ensemble, nos solides amitiés se sont nouées et durent encore. Le style de relation lié à la personnalité de son créateur ne convenait pas à une grande majorité d’entre nous. Il faut cependant reconnaitre l’immense mérite qu’il a eu à conceptualiser, imposer et faire vivre cette équipe exceptionnelle parfois un peu foutraque au sein d’une armée de terre, à l’époque bien tristounette !
À quelle expédition du Groupe avez-vous participé ?
Kabru Peak et Kamet
Aviez-vous un domaine de compétence spécifique en montagne (ou en dehors) au sein du Groupe ?
Je pense avoir développé une compétence assez reconnue dans le domaine de la prise de décision en situation d’incertitude ou de risque. Je l’ai perfectionnée et enseignée jusqu’il y a peu (ma dernière cour à L’ENSA a eu lieu cette année le 25 mars 2024).
J’ai également pratiqué pendant plus de vingt ans l’expertise judiciaire dans le domaine de la montagne et des sports de montagne
Comment les décisions étaient-elles prises au Groupe ?
À mon époque malheureusement, c’était le règne de la verticalité, tout à l’opposé de ce qui se pratique aujourd’hui. Mais il faut bien reconnaitre que malgré cela, le regroupement de tant de qualités humaines, d’originalités et sans doute l’empreinte d’une culture militaire donnant sa cohésion à l’équipe, avaient composé une entité exceptionnelle.
Pouvez-vous nous faire partager une expérience marquante que vous avez vécue au Groupe ?
Lors de l’expédition au Kabru, nous étions trois guides français perdus au sein d’une organisation militaire indienne hétéroclite multilingue et techniquement médiocre. Isolés car chacun dans un groupe, mal nourris (grève des porteurs, cuisine au fuel), pas de tente mess au camp de base (nous mangions dehors presque tous les soirs sous la neige), firent de cette expé une dure expérience malgré la beauté du site et de l’itinéraire. Heureusement nous avons enchainé par un beau trek en direction de la face sud du Kangchenjunga qui devait être notre objectif de l’année suivante. J’en ai retiré la découverte de la société indienne et de ses castes… et quatorze kilos en moins !
Une histoire qui vous fait sourire ?
Beaucoup de rigolades durant ces années surtout avec le contraste entre des personnages comme Marmier et d’autres comme les Éric (Gramond et Belin), Pierre Royer. Je me souviens d’une réception à l’ambassade à N Delhi où Éric s’était fait des chaussettes au marqueur !!! Ou encore d’une soirée au départ de la montée au camp de base du Kamet : ayant fumé des « plantes conseillées » par nos collègues indiens, nous avions volé au mess du camp militaire une photo grandeur nature d’une magnifique indienne, et improvisé une cérémonie incantatoire, avec force chants et prosternations. Marmier alerté par le bruit rentra dans la pièce et repartit illico très inquiet de la santé mentale de son équipe de pointe !
Pouvez-vous nous parler d’une anecdote d’expédition en particulier (organisation, problème logistique ou administratif, voyage…) que vous avez vécu avec le Groupe ?
Il faut reconnaitre que la structure militaire nous facilitait grandement la tache mais la difficulté de travailler avec l’administration indienne m’a beaucoup marqué. J’ai beaucoup voyagé depuis comme guide indépendant et j’ai constaté encore récemment que c’est une caractéristique de ce pays hors norme par ailleurs.
Quel est votre meilleur souvenir au Groupe ? J’ai beaucoup aimé notre liberté d’aller grimper par petites équipes en totale indépendance un peu partout en Europe. Et la chance que nous avions de côtoyer des jeunes qui allaient devenir des grands noms de l’escalade ou de l’alpinisme et de développer une amitié avec eux
Comment caractériseriez-vous le GMHM aujourd’hui ?
Je crois que le groupe est sorti d’un schéma d’origine dont il n’aurait pas survécu. Après une phase qui symbolisait l’alpinisme guerrier bien français de l’après-guerre puis une période d’«expérimentation» parfois très limite (je me souviens de l’abandon en plein ciel d’une voile de parapente au-dessus de la vallée de Chamonix ou d’Alain accroché aux câbles de l’aiguille du midi à 100m au-dessus de la gare de départ), le groupe a su développer des compétences collectives qui profitent à l’entité militaire dont il est l’émanation. Et ce, en conservant son excellence et augmentant son niveau de performance grâce à une meilleure gouvernance.
Quel est, à votre avis, le principal enjeu du GMHM pour les prochaines années ?
Pour moi, l’enjeu est là : garder l’excellence et la performance mais avoir à cœur d’expérimenter des techniques et des procédés qui peuvent donner lieu à des transferts sur les unités. Le film sur Darwin est un exemple en la matière. Notamment dans l’exposé par tous les membres de l’équipe de la manière avec laquelle ils ont affronté l’ensemble des problématiques et leurs modes décisionnels.
Souhaitez-vous évoquer quelque chose en particulier dont nous n’avons pas parlé ?
J’ai une pensée très émue pour tous les amis qui ont disparu dans l’exercice de membre du groupe ou dans le métier de guide. Je ne peux pas tous les citer car j’ai grimpé avec la plupart d’entre eux mais je me hasarde à prononcer quelques noms : Jean Jacques Vaudelle mon premier adjoint au 11° BCA), Henri Augareils (sans doute celui avec qui j’ai ressenti le plus de proximité), Pierre Royer, Jean Marc Gryska (que de belles escalades), Alain Estève, Éric Escoffier (un maitre !), Patrick Monzat, Dominique Seguier, Philippe Renard, … Sans oublier les vivants bien sûr !


