Cascade Pissevache

Après des vacances apocalyptiques, neige puis pluie et encore pluie la saison de cascade semblait compromise avant même d’avoir commencé. Mais il ne faut jamais désespérer, en ce début janvier, la neige se remet à tomber et la température commence à baisser. Le froid s’installe progressivement. Alors que quelques glaçons commencent à pousser sur le bord des routes, une idée vient me chatouiller l’esprit : grimper dans le mythique cirque du Fer à Cheval.

Ma décision est prise, je vais mardi repérer les conditions et l’approche en faisant la cascade du Dard qui est beaucoup moins engagée. Mais lundi matin la météo change, il neige mercredi et vu les pentes qui surplombent le cirque hors de question de tenter le diable. Tant pis ce sera pour la prochaine fois car plus nous avanceront dans la saison plus le soleil arrivera tôt et ceci n’est pas envisageable pour une descente en sécurité. Mais l’envie me brule de m’y frotter et j’ai l’intuition que les conditions vont être bonnes.

Changement de programme, je pars lundi à 14 heures tout seul repérer. Arrivé sur le parking, il fait un froid de canard. Je constate immédiatement que la cascade de Pissevache est formée mais elle est déjà au soleil. Une sensation étrange s’empare de moi, ce cirque dégage quelque chose de particulier : d’une part la beauté et la raideur des cascades attirent forcément, mais d’autre part la crainte des avalanches, des chutes de pierres et de glace me tendent. Je pars quand même repérer l’approche au cas où quelqu’un vienne m’accompagner demain. Je brasse dans la neige pendant près d’une heure, j’ai les mains gelée, parti en speed je n’avais pas pris de gants. Mais ça y est ! je suis tout près. Après quelques photos je redescends avec la ferme intention d’en découdre demain avant le mauvais temps. Le soir Damien TOMASI au téléphone m’annonce qu’il veut bien m’accompagner. Pour limiter les risques nous optons pour un départ matinal de Chamonix.

A 5 heures 30, nous quittons le parking suivant ma trace de la veille à la lueur de nos frontales. Une heure et demie après nous sommes encordés et nous nous lançons à corde tendue dans les deux premières longueurs faciles. Au lever du jour, nous attaquons la première longueur raide en 5.

Je fais relais au pied d’un magnifique mur de 50 mètres quasiment verticale, coupé seulement d’une petite vire.

De là, une grande longueur moins soutenue nous mène au pied de la longueur clé. Celle-ci est très impressionnante, on a due mal à penser qu’elle fut gravie en 76. Du relais, j’imagine le cheminement : un court surplomb au début puis je tirerais à droite pour en éviter un deuxième, barré par une grosse stalactite. Je me lance, le premier surplomb est déjà bien physique, il me rejette en arrière. Après m’être rétabli, l’escalade est moins soutenue mais reste verticale. Je traverse légèrement à droite et constate avec déception que ça ne passe pas. Je ne vois pas d’autre choix que de forcer tout droit. Heureusement, je place une bonne broche avant de prendre appui sur la fameuse stalactite afin de m’échapper vers une partie moins raide où je fais le relais.

Enfin une dernière longueur plus facile nous sépare du sommet, mais le soleil se rapproche dangereusement. Je grimpe au plus vite celle-ci et déjà nous entamons la descente sur les magnifiques abalakovs que Damien avait faits lors de la montée. A 14 heures, au pied de la cascade, nous nous abritons sous un bloc en dévers providentiel. Après nous être restaurés, nous descendons tranquillement à l’abri dans la forêt. Relâchés, la pression fait place à la satisfaction d’une ascension espérée depuis des années.

Seb RATEL