Marion dans le dièdre de 40m

La Directe Américaine aux Drus

La Directe Américaine aux Drus, 1000m, ED-, 6c, Sébastien Ratel, Sébastien Bohin, Marion Poitevin

Enfin, le beau temps arrive dans la vallée de Chamonix. Evidemment, les grimpeurs du GMHM sont dans les starters. Sébastien Ratel nous propose d’aller voir aux Drus si la Directe Américaine existe toujours. En effet, après les éboulements du pilier Bonatti de 1997 et de 2005, la voie a un peu changé. J’étais un peu réticente à l’idée de savoir que la montagne avait déjà risqué de s’écrouler mais nous avons misé sur le fait que la canicule n’avait pas encore été mesurée cette année. Et puis, elle reste tout de même une vraie grande course historique et d’envergure.

Mercredi 10 août, Sébastien Ratel, Sébastien Bohin et moi-même, Marion Poitevin, sommes dans le premier train du matin du Montenvers. A 11h, nous atteignons le pied de la voie.


Sébastien Bohin attaque les longueurs en tirant notre sac de hissage ou « patate » lourde de nos affaires de bivouac. Pour gravir 1000 m d’escalade, il nous faudra au moins 2 jours, si ce n’est pas 3.


J’enchaîne depuis le dièdre Mailly, fissure à grimper en dülfer très athlétique, jusqu’au dièdre coincé, notre lieu de bivouac.
Nous arrivons au coucher du soleil. Deux grimpeurs basques sont déjà là. Ils étaient justement en train de se glisser dans leurs sacs de couchage pour dormir lorsque nous arrivons :
– Relais !
– Libre !
– C’est bon pour la patate ?
– Non, tire un peu, elle est coincée !
– Et là, c’est bon ?
– Avale !
– Ca coince !
– Ouf, c’est ça le bivouac confort du bloc coincé ? Mais y’a pas de place et plein de neige !
-Super, on a monté 3 kg de neige pour faire de l’eau pour rien…

Bref, ils étaient ravis de nous voir arriver.

Le lendemain, réveil 6h30, nous discutons un peu avec les basques de l’itinéraire. Nous avons seulement un topo détaillé qui date de avant l’éboulement. D’après nos infos, la voie originale passe toujours mais plus ou moins bien. Sinon, il existe aussi une variante par la gauche après le dièdre de 90m. Le doute subsiste… En attendant de se décider, Sébastien Ratel s’attaque au dièdre dans la fraicheur matinale.

Le réveil est violent. Les pieds à plats et les avant bras gonflés, nous avons une pensée toute particulière pour Christophe Profit qui a réalisé l’ascension de la Directe Américaine en solo intégral en 1982 avec son walkman à cassette !

Nous arrivons au sommet du dièdre, droite ou gauche ?? Nous prenons à droite. Le topo en espagnol nous indique un « roca rara ». Après quelques belles longueurs, nous arrivons dans un tas de sable vertical, tous près de la zone d’éboulement. Voilà donc la traduction en français de« roca rara ». On ne fait pas les malins. Sébastien nous sort de ce mauvais pas en allant très à gauche pour traverser une dalle pas facile sans point de protection (cf. nouveau topo). C’est parfois utile en montagne d’être un grimpeur de 8b. Plus loin, nous arrivons sur un spit flambant neuf au milieu de grandes lisses. Nous pensons que les russes l’ont installé pour réaliser le premier saut en BASE jump des Drus avec Valery Rozov. On n’arrête pas le progrès. Mais nous n’avons pas nos parachutes donc pour nous, ce n’est pas fini. Encore des longueurs dont la dernière en IV+ qui se transforme en A2. On a du se tromper dans l’itinéraire (cf. nouveau topo). Enfin, nous arrivons sous le sommet du Petit Dru.

Nous décidons d’aller au sommet saluer la vierge. Malheureusement, en traversant nous croisons les rappels de descente. La fatigue, l’horaire bien avancé, la tentation de commencer les rappels de suite prend le dessus. Nous ne verrons pas la vierge ce jour là. Au lieu de suivre gentiment le topo de descente et de traverser bien à droite, nous décidons de faire les rappels droit dans la pente. Nous arrivons de nuit dans un goulet qui se transforme en canyon. Il y avait donc une bonne raison de suivre le topo ! Après quelques heures de radada (rappels, recherche d’itinéraire, marche dans les cailloux, traverser le glacier, etc..), nous arrivons à la Charpoua à 1h30 du matin.

Heureusement, la Charpoua est un refuge très spécial. On peut se lever à 8h30 et le gardien est souriant, autant fatigué que nous mais il sert quand même le petit déjeuner, merci Christophe. On y reviendra tiens ! Nous redescendons tranquillement dans la vallée pour aller regarder cette belle montagne d’en bas.

En images :