Parapente vol de distance 115km

Cette seule journée « volable » d’une semaine pluvieuse, a été pour moi l’occasion de voler seul afin de travailler, à mon niveau, le pilotage, l’analyse des conditions et le choix des meilleurs options pour profiter de la journée.

Choix du site :
Il y a encore beaucoup de neige en altitude ce qui pose problème pour décoller haut. Il faut donc choisir un endroit sec qui sera adapté à la légère tendance nord du début de journée. Le vent (10km/h) est annoncé faiblissant puis passe en sud à la mi journée pour la même intensité, le tout agrémenté d’un plafond au moins a 2000m. Le schéma d’une descente au sud poussé par le vent avant de remonter au nord quand il aura tourné colle parfaitement avec le timing d une journée de vol standard ( face est le matin, face ouest l après midi).
En première approche, un décollage du Méruz dans le secteur d’Ugine semble être une option très intéressante pour un vol efficace et rentable ( optimisation de la distance). Les vols de certains des meilleurs pilotes français ce jour, confirment cette hypothèse. Pour l’heure c est la logistique globale qui orientera mon choix du site vers Chambéry sur une face Est à Monlambert.
Un vol se prépare dans sa globalité, la montée au décollage ainsi que la récupération de son véhicule ne doivent pas devenir une contrainte psychologique qui poluera l’esprit du pilote durant le vol. Ce choix a donc été celui de la simplicité d’organisation pour me permettre de voler serein.

Le vol et le choix du parcours :

Lundi après un départ matinal de Chamonix, le décollage se fait aux alentours de 11h. Les conditions sont toniques et l’extraction vers le premier plein d’altitude se fait plutôt bien.

L’idée générale est de partir en direction de Grenoble depuis la Savoyarde pour revenir ensuite par le Mont Granier, avant d aller dans les Bauges et éventuellement les Aravis. Ces deux transitions demandent une certaine altitude pour espérer raccrocher le relief dans de bonnes conditions. Ce jour là, la Chartreuse est encore complètement dans les nuages. Ils semblent à peine être à 1200m alors que le retour doit se faire au Granier vers 2400m (si possible…). L’option de se jeter là-bas ne me semble alors plus du tout la bonne pour espérer boucler le parcours au point de départ.
Tant pis, le début du vol se fera donc vers le nord en direction d’Albertville. Je laisse donc les pilotes avec qui je suis monté partir au sud et je prends la direction de la Dent d’Arclusaz. Les plafonds sont encore un peu bas mais permettent quand même de jouer entre le relief et les nuages, avec une vitesse faible puisqu’en altitude le vent contre mon parapente. C’est une excellente opportunité d’entraînement au vol accéléré et à l’optimisation du régime de vol en fonction de la masse d’air.

La Chartreuse, en son point de raccrochage, est une face Est, il ne faut donc pas que j’y sois après 14h sous peine de ne plus trouver d’activité thermique. C’est donc la Dead Line que je me fixe.

13h: il est temps de faire demi-tour un peu après le col de Tamié, direction la savoyarde. Normalement le nord devrait aider à y être rapidement.
Ba non…..le sud rentre ? Possible. La brise monte haut ? Très probable. C est donc reparti pour une séance de vol accéléré au relief qui me demande une certaine concentration.

14h15: 1800m départ de la savoyarde avec 15min de retard. Il me faudra rattrapper le temps perdu. Le raccrochage en Chartreuse se passe bien et moyennant un peu d’application dans un thermique qui me décale doucement, il me permet de sortir haut pour ensuite cheminer jusqu’à la Dent de Crolles.

15h13: Dent de Crolles. Il est plus que temps de basculer en face ouest car l’activité devient faible. Aller jusqu’à Grenoble est trop risqué vu l heure avancée et le passage en ouest ne veut pas se donner….il vaut mieux faire effort la dessus et tenter de boucler.

16h08: je suis enfin au Granier après un passage de l’autre côté de la montagne qui s’est joué à un mètre près. Ça aurait pu signer la fin du vol. Il faudra me contenter d un petit 2200m avant de me laisser glisser vers le point de raccrochage de la savoyarde. Dernière transition avant une zone rarement agréable, à cause de la brise, souvent forte. Il faut donc que je « refasse du jus »: boire, manger et me détendre… Le vol dure déjà depuis 4h30.
La savoyarde… Fidèle à sa réputation, mais au moins ça monte bien avant un dernier glide vers l’atterrissage où ma voiture est garée.

Au bilan, il y a deux manières d’aborder ce vol de 5h30 et 115km. On peut regarder les vols d’autres pilotes le même jour, plus longs, mieux optimisés, plus impressionnants… Ces pilotes ont leur niveau, le matériel qui va avec, leurs propres objectifs et leurs contraintes. Ce point de vue est plutôt frustrant et ne construit pas forcément le pilote qui l’adopte.
La deuxième option, consiste déjà à ne pas oublier le plaisir qu’apporte une journée au milieu des nuages, à sauter de montagne en ligne de crête. A survoler des chamois, voir les autres parapentes, ou encore partager le thermique avec un couple d’aigles et des vautours. Ensuite il faut accepter d’avoir choisi le site qui était le plus adapté à nos contraintes du moment. Le reste du vol n’est qu’une succession de choix, faits sur des analyses durant un parcours prévu ou adapté.

Ce vol a été une excellente remise à l’étrier pour moi, sur un parcours un peu plus long, après un début de saison ‘à tourner dans le bocal’ sur des petits vols . Voler longtemps se gère par une alternance de phases de concentration et de relâchement. Il faut s’alimenter et s’hydrater pour pouvoir analyser les options qui s’offrent à vous, piloter efficacement et gérer son environnement (espace aérien, autres voiles, timing, etc…).
Chaque pilote puise son envie de voler quelque part. Pour certains c’est la performance, pour d’autres les sensations fortes ou encore l’esprit de compétition. Dans mon cas, cette insaisissable envie de voler est motivée par le plaisir et l’émerveillement que ces voyages m’apportent à travers l’infinité de lignes de vol qui se dessinent à chaque instant.
Et quoi de plus épanouissant pour moi, que de pouvoir allier l’utile à l’agréable en partageant cette passion et en la mettant au service du Groupe !

Capitaine François PIOTROWSKI