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Terre de Baffin : Expédition Technique

L’expédition

À partir du camp de base qui sera établi sur la banquise dans le Gibbs Fjord, Le Groupe Militaire de Haute Montagne prévoit d’ouvrir une première voie sur une tour granitique élancée d’environ 800 mètres de haut.
La tactique adoptée variera en fonctions des conditions rencontrées sur place et de la qualité du rocher. Dans tous les cas, l’ouverture de l’itinéraire se fera en escalade artificielle afin de préparer une répétition en escalade libre.
Le défi de cette expédition tient dans la complexité d’ouvrir des itinéraires techniques en composant avec les conditions météorologiques difficiles et un isolement certain.

Le camp de base devant la tour.

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La plue value

Cette expédition contribue directement à renforcer les savoir-faire du Groupe en matière de franchissement vertical en milieu polaire sur des parois inconnues. Ces enseignements sont ensuite mis à profit pour former les commandos montagne de la 27ème brigade d’infanterie de montagne.

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La préparation

Forte de l’expérience de l’année dernière au Pérou lors de son ouverture au Puscanturpa, l’équipe a affinée son entrainement et sa préparation dans les Alpes et le Verdon. La connaissance mutuelle associée à un entrainement poussé en font une équipe extrêmement soudée et mature.Ainsi elle est prête pour se confronter aux difficultés en gérant au mieux l’engagement sur ce terrain hostile et isolé.

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L’équipe

L'équipe de G à D :Dimitry, Pierre,Arnaud, Antoine et Benoit

_Capitaine (TA) Pierre SANCIER : Chef d’expédition
_Adjudant-chef Arnaud BAYOL : Adjoint technique
_Caporal-chef Antoine BLETTON : Alpiniste
_Monsieur Dimitry MUNOZ : Alpiniste _ Spécialiste du milieu polaire
_Médecin chef Benoit GINON : Médecin de l’expédition

Carnet de bord

UN DERNIER COUP D’OEIL

Ottawa, le 5 juin 2017

Un coup d’œil dans le rétroviseur de la motoneige qui nous ramène à Clyde River. La tour s’éloigne de notre champ de vision, pas de nos esprits. Quelques jours sont nécessaires pour réorganiser tout notre matériel et nous sommes de retour à Ottawa.
Le repos est le bienvenu. Le jour permanent et l’activité physique journalière ont entamé les hommes. Pourtant le même sourire se lit sur nos visages. La joie d’avoir concrétisé ensemble ce projet d’un an.

Jusqu’au bout: l’aventure… Le retour s’est fait au bon moment avant la débâcle pour ne pas se retrouver avec un naufrage de camp de base. Au fil des détours de motoneige pour éviter l’eau libre nous avons eu la chance d’une belle rencontre.

Après un mois d’isolement et d’aventures, le retour au calme et à la réalité se fait petit à petit. Discussions et débriefings rythment notre quotidien, nous permettant de souligner les points à améliorer mais aussi de surligner le positif.

Déjà, avec le visionnage des photos et des images nous nous replongeons dans les bons moments ou le stress de cette ascension et l’esthétisme de la tour. A bientôt donc pour vivre en images notre aventure.

Cpl Bletton

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AU SOMMET ! DE LA TOUR !
une belle ouverture en terre de Baffin

Gibbs Fjord camp de base, le 28 mai 2017 11h30

Sommet : Tour du GMHM (900m)
900m ED A3/A4 6a
Ouverture du 13 au 27 mai 2017

« En route vers le sommet… »
Comme convenu nous avons quitté le camp de base le lundi 22 mai 2017 en deux vagues. La cordée de tête Arnaud et Antoine sont partis devant assez tôt vers 7h pour poursuivre l’avancée et avec Dimitry nous nous sommes chargés de déséquiper les cordes statiques et les relais en montant vers le bivouac dans la face : le cordon est coupé avec le camp de base pour la semaine à venir !
Profitant de la belle avancée du 22 mai d’Antoine et Arnaud, nous attaquons avec Dimitry la dernière longueur délicate qui nous sépare du « head wall ». En effet le rocher n’est pas très bon par endroit, mais cela passe finalement en sortant par un toit de 5 mètres d’avancée ! Donc le 23 mai nous sommes au pied du mur final ou « head wall », qui de prime abord en impose par sa raideur : le sommet n’est pas gagné d’avance car le gros morceau de la voie reste à venir.

Pour profiter au mieux du soleil, le 24 mai Arnaud et Antoine partent à l’assaut du mur à 6 heures du matin. Une réflexion s’impose au pied du mur : par où passer ? Est-ce que la ligne va déboucher ? Finalement Arnaud s’engage dans un dièdre qui s’élance verticalement sur plus de 100 mètres de haut. Le rocher jaune orangé, par ailleurs excellent rappelle par moment celui du massif du Mont Blanc. Après 12h d’effort, ils ont progressé de 90 m dans ce dièdre impressionnant. Le pari d’Arnaud est pour l’instant payant mais un doute subsiste pour les 50 prochains mètres. Ici un rocher plus compact rend la progression difficile et engagée. Le sommet devient plus incertain …
Le 25 et le 26 mai seront les 2 jours décisifs qui vont concentrer le gros des difficultés. La météo est toujours aussi généreuse avec un beau temps fixe qui tranche avec notre reconnaissance de 2016. Le crux de la voie sera une longueur de 30m que nous coterons A3/A4 (c’est-à-dire une progression sur des protections aléatoires sur plusieurs mètres). Après, 3H30 d’effort pour vaincre ces 30 mètres, Dimitry gardera surement un fort souvenir de cette longueur. Maintenant, le sommet se rapproche et n’est plus qu’à deux longueurs. Assuré par Antoine pendu dans le vide sur son escarpolette à plus de 800m du sol, Dimitry s’apprête à sortir de la voie. Pierre et Arnaud le suivent en direct 200m plus bas en filmant avec le drone !! Vers 14h et après une remontée assez impressionnante, suspendu, dans le vide sur les 9 petits millimètres de la dernière corde fixe, nous nous retrouvons tous les quatre au sommet de cette tour élancée.

La force du groupe nous aura permis de tenir dans la durée pendant cette quinzaine de jours d’ascension. Chaque jour les binômes se relayaient en tête pendant que l’autre binôme assurait la logistique (hissage, amélioration des relais nettoyage de la paroi). Nous sommes émus tous les quatre d’être au sommet de cette tour qui était vierge jusque-là. Nous étions touchés par tous ces efforts partagés et par l’esthétisme de cet objectif que nos anciens avaient survolé et photographié en avion en 2001. Au final, c’est un peu grâce à eux que nous sommes arrivés là !

Arnaud en profite pour redescendre en sautant, et rejoint le camp de base en 1min30 !! Nous, nous mettrons une journée et demie pour tout déséquiper et descendre tout le matériel. Le 27 mai vers 20h nous nous retrouvons tous au camp de base, fatigués mais exaltés par cette belle aventure. Un grand merci à notre Doc qui a été particulièrement au top pendant ces 6 jours, en nous transmettant les bulletins météos « en musique ! », en apportant de la légèreté dans les moments stressants et en gérant de main de maitre les time laps de la face.

Pierre S.

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Quand la santé va tout va !

Gibbs fjord le 23 mai 2017 19h00 locale

Médecin d’expédition – Voici le regard du « Doc » sur l’expédition alors que les grimpeurs sont en action dans la paroi.

Baffin avancement au 23 04 17
Baffin avancement au 23 04 17

Tout d’abord un point de situation. Le programme est respecté et la météo est clémente conformément aux prévisions. Les températures remontent progressivement dans le Gibbs Fjord alors que nos grimpeurs progressent dans la paroi. Ils sont arrivés aujourd’hui à la vire au pied du dernier mur, « le head wall ». Ils sont actuellement et pour les jours à venir à l’assault de cette dernière difficulté.

Alors donc que les 4 grimpeurs crapahutent dans la moitié supérieure de la tour, le doc (médecin militaire à Chamonix) reste à quai sur la banquise à guetter leur avancée… et les ours polaires ! A vrai dire, pour l’heure il n’y a que des phoques à observer.

« Depuis le début de l’expédition, je n’ai pas chômé :
· participation à l’installation et aux différentes reconnaissances,
· cuisiner lorsque Dim (cordon bleu) accepte de transmettre la casserole,
· jouer au Sherpa pour monter les charges dans le socle de la Tour
· compagnon de coinche conciliant pour entretenir le moral des grimpeurs.
Le médecin d’expédition se doit d’être polyvalent ! Néanmoins, c’est bien pour ma spécialité que je suis là !
Le soutien médical en zone arctique pose deux contraintes majeures : l’isolement et le froid.

1/ L’isolement impose des moyens de communication fiables et une chaine d’évacuation identifiée en amont. D’autre part, compte tenu de délais d’évacuation pouvant être longs (12h minimum, plusieurs jours en cas de mauvais temps), le matériel et les compétences doivent être suffisants pour durer avec un blessé grave. Des moyens chirurgicaux pouvant être déterminants, l’impératif reste l’évacuation dans les plus brefs délais.
Pour ce type d’exercice, je dispose donc d’une certaine autonomie diagnostique (ex : Echographie portable) et thérapeutique (ex : traitement de gelures graves). Le service de santé des armées dispose de moyens et de savoirs faires spécifiques qui sont transposables à l’exercice isolé en environnement difficile. (plasma lyophilisé, don de sang total…).
Mercredi une liaison de télémédecine est prévue avec l’hôpital militaire Desgenettes de Lyon.

2/ Le froid : En cette saison, à Gibbs Fjord, les températures oscillent entre -15°C et +5°C. Ces conditions climatiques posent le problème de la conservation des drogues ainsi que celui de l’adaptation des prises en charge (variation des propriétés plastiques du matériel, diminution de dextérité, altération des batteries). Pour mieux appréhender ces difficultés, j’ai amené avec moi des enregistreurs de températures afin d’objectiver les variations thermiques subies par les dispositifs médicaux. Je vais également tester divers matériels dont un prototype d’ampoulier chauffant mis au point avec la société Racer. »

Le « Doc », Benoit Ginon

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Après dix jours d’activités intenses…

Gibbs Fjord le 18 mai 2017

Retour sur une semaine dédiée à l’ascension du 1er pilier difficile de la Tour.
Voici maintenant une dizaine de jours que nous sommes arrivés au pied de notre objectif. Après les reconnaissances et le premier contact avec la montagne, nous nous sommes mis au travail malgré une météo difficile en début de semaine. Chaque jour, nous avancions un peu plus quelques soit le temps.

Là est tout l’avantage de pouvoir travailler à 4 : cela permet de se relayer pour l’ouverture des longueurs, l’aménagement des itinéraires de cordes fixes et pour le hissage des charges. Chacun apporte sa pierre à l’édifice permettant au collectif d’avancer vers son objectif.

Au bilan, le 18 mai nous avons posé environ 400 mètres de cordes statiques, jusqu’à l’emplacement de notre camp «capsule» en paroi. Effectivement, nous avons trouvé une bonne plateforme à mi paroi qui nous permettra de ne pas bouger le camp par la suite.

Nous allons prendre 1 ou 2 jours de repos après ces 10 jours d’activités non-stop, qui seront consacrées à préparer les dernières charges à monter (bivouac et nourriture). Une journée sera nécessaire pour hisser les charges sur les 400m de cordes fixes. Puis, ce sera le départ pour la dernière ligne droite vers le « head wall ». Nous estimons à environ 6 jours le temps nécessaire pour atteindre le sommet.

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Premières reconnaissances

Gibbsfjord le 14 mai 2017 19h30,

1/ Premières reconnaissances :
Après une installation sous le soleil, le temps est resté voilé ces derniers jours mais les températures restent douces (de 0 à -5°). La vie au camp a pris sa vitesse de croisière, rythmée par le ronronnement du réchaud pour faire fondre la neige et les temps de repas dans une tente mess animée.
Ces 4 derniers jours ont été bien remplis : reconnaissances à ski, saut en base Jump pour Arnaud, préparatifs matériels et début d’ascension.
Tout d’abord, jeudi sous un ciel couvert, nous sommes partis dans les pas d’un ours pour rejoindre le haut d’un big wall voisin de notre objectif et propice au paralpinisme. L’itinéraire nous a permis de découvrir la face cachée de la tour. Arrivés au sommet du pic de l’ours (nommé pour l’occasion) une belle éclaircie inespérée a permis à Arnaud de sauter pour la première fois de l’expé .
La prise de contact avec le socle de la face et les observations répétées à la longue vue ont entrainé de longs échanges… et un changement de direction. L’itinéraire initialement convoité (dièdre central) n’a pas résisté à une journée de soleil, à l’origine de nombreuses chutes de pierres… C’est donc le pilier Ouest de la tour qui sera gravi.

2/ Début d’ascension : Hissage et bourrinage
Voilà maintenant deux jours que nous nous frayons un passage dans le bas de la tour pour atteindre une zone où nous pourrons mettre en place notre camp avant de continuer vers le haut. Pour l’instant nous faisons des allers-retours depuis le camp de base.
La qualité du rocher rencontrée jusqu’à présent est moyenne voir médiocre, Dimitry a fait preuve d’agilité et de souplesse pour se faufiler au milieu des blocs instables afin de franchir le premier passage délicat. La suite s’annonce plus prometteuse en terme de qualité de rocher (enfin nous espérons)!
Nous avons effectué les premiers portages et hissages (en gros tout le matériel technique) malgré la neige et le vent qui sont assez présents en cette fin de semaine. Nous hisserons le camp (matériel de bivouac et nourriture) plus tard.

3/ Dernière reconnaissance :
Ce dimanche Arnaud, Antoine et Benoit sont partis remonter à ski le couloir de neige qui permet de contourner la tour afin de pouvoir télémétrer les futures zones de hissage (notamment pour le matériel de bivouac) ainsi que la hauteur de la tour qui ferait 950 m de haut au final : vaste programme ! Pour l’instant nous avons parcouru environ 300m (les difficultés sont à venir).
Nous nous préparons pour tenter de partir à l’assaut du head wall au milieu de la semaine prochaine afin de profiter des bonnes conditions météos annoncées.

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Enfin au pied du mur

Gibbs fjord le 09 mai 2017 19h00 locale

Retour sur un début d’expédition idéal
Parti de Genève pour Ottawa le 3 mai avec nos 21 bagages, nous avons consacré 4 jours sur place pour absorber le décalage horaire, effectuer les formalités administratives et surtout faire toute notre préparation de nourriture.
Le dimanche 7 mai nous décollons pour la terre de Baffin, le vol s’effectue en deux temps en passant par Iqualuit (capitale du Nunavut) et prend environ 4 heures en cumulé.
Posé à Clyde River sur la piste enneigée du petit aéroport perdu dans l’immensité blanche et glacé du cercle arctique, nous sommes réceptionnés par notre contact local : Levï Palituq. Ciel dégagé, -10°C notre expédition commence.
Nous restons une nuit à Clyde River pour attendre le restant de nos bagages. Dernières courses de vivres frais et essence dans la matinée, le départ est donné pour 13h direction Gibbs Fjord. 5 motoneiges guidées par Levï nous transportent à travers les déserts glacés au nord de Clyde.

Après 10h de motoneige, nous atteignons la zone que nous avions prévue grâce à la reconnaissance de l’an passé, il est 23h00. Toujours une température ambiante de -12°C environ, un plafond bas, nous installons sommairement le camp pour la nuit.
Réveil sous le soleil, nous revoyons pour la première fois la tour depuis 1 an, le programme s’annonce alléchant. Une ligne assez logique se dessine jusqu’au sommet de la tour. Nous débutons la mise en place du camp de base qui nous prendra la journée. Nous avons de la chance, la météo est idéale.

L’expédition démarre de la plus belle des manières, cela est très encourageant pour la suite. La fin de la semaine laisse quelques jours de beau temps, ce qui nous donnera l’opportunité d’aller prendre contact avec la face.
L’expédition.

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