USA : Yosemite

Psycho Bitch
Psycho Bitch

Il n’y a clairement pas que le décalage horaire qui nous met une claque en débarquant après 10 heures d’avion aux US ce 23 avril dernier… Les yeux pas encore complètement en face des trous, nous rejoignons Enzo Oddo dans le terminal d’arrivée de l’aéroport de San Francisco. La vision première annonce la couleur. A partir de cet instant-là, je saisis que les cinq prochaines semaines ne vont pas être une sinécure…

Dans un nuage de pof nous distinguons avec peine le malabar niçois qui s’excite sur des Grippers modèle compétition. Pour ceux qui ne savent pas de quoi il est question, un gripper est une petite poignée qu’il faut plier avec les doigts. La résistance du ressort est plus ou moins grande, en générale de quelques dizaines de kilogramme pour les plus difficiles. Ceux que s’acharne à casser notre ami Enzo sont de 120 kg, autant dire que les modèles classiques sont relégués au rayon 8-12 ans de chez Décathlon… Outre le fait que je n’aimerai pas qu’une quelconque partie de mon corps se retrouve entre ses mains, une question me taraude. Si après seulement 20 heures d’inactivité la préoccupation première du garçon est de passer ses nerfs en forçant le plus fort qu’il peut, à quoi va ressembler le planning des 5 prochaines semaines qui s’annoncent ?… Gloups !
Nous filons dans la Vallée magique dans la foulée pour prendre la température et s’assurer que les voies sont sèches et la météo clémente. Effectivement, à notre arrivée, à part quelques taches noires qui finiront bien par sécher sous le cagnard californien, tous nos projets semblent envisageables. Nous remettons au lendemain matin la préparation du matériel, privilège du grimpeur, et nous nous laissons tomber de sommeil pour notre première nuit dans le parc.

Le lendemain c’est « Psycho Bitch » qui est au programme. Une voie géniale car se jouant d’un dévers impressionnant et comportant de très belles longueurs. Un 5.13b en est le crux, une fissure typiquement yosemitique, pied à plat en arquant le rebord… Ca calme. La suite ce sont des 5.12 + athlétiques et très ludiques à grimper. Un must du genre ! Léo et Enzo enchainent en libre, pour ma part je commence à compter les courbatures.

Je leur propose de temporiser avec une petite journée de récup. « Je sais… on a grimpé à peine 300 mètres mais « Oh ! » on est là 5 semaines ! » Evidemment Enzo ne restera pas les bras croisés pour récupérer du Jet Lag. On en profite pour le parer et le regarder s’acharner dans le Yabo Roof, un V12 récalcitrant.

Une journée de repos passe encore… mais pas deux ! On décide de partir dans Leaning Tower, cette paroi déversante qui se présente comme un gros obus qu’on aurait incliné à 20°. Il va s’en dire que ce qui est rigolo c’est de grimper sur le côté qui penche dans le vide. Et si possible par « Wet Lycra Nigthmare », une voie directe et soutenue de 400 m que nous tenterons en deux jours, une large vire à mi-hauteur permettant d’y dormir sans portaledge. Pour les vivres de courses, un melon et des boites de sardines. Une alimentation résolument anti-alpine ! Cette voie de libre majeure commence par 60 mètres… d’artif ! Deux américains s’y affairent alors que nous arrivons au pied. Peu motivé devant l’idée de grimper cette longueur d’A0 laborieuse, Enzo leur demande de fixer leur corde statique pour que nous nous hissions dessus. « No pro Dude ». Je sens qu’on va bien s’entendre avec eux. Ces derniers veulent grimper « Westie Face » en artif, ils nous laissent même la possibilité de les doubler, la grimpe en artificielle prenant plus de temps que l’escalade en libre. Nous attaquons l’escalade proprement dite par deux longueurs de fissures équipées de quelques spits dans les parties compactes. La grimpe, physique et intéressante, nous amène rapidement à la vire où nous laissons notre bivouac pour fixer les deux longueurs suivantes. Léo nous fait la démonstration de son talent de technicien en réalisant à vue un 7c dalleux particulièrement retord. S’en suit le crux de la voie avec le passage d’un toit coté 5.13d. Il s’agit d’un mouvement de montée de pied particulièrement difficile sur la lèvre, visiblement trop physique! Nous redescendons profiter de notre melon en regardant le soleil se coucher dans l’embouchure de la vallée, le jet de quelques gros cailloux dans le vide constituant seulement une activité annexe, bien que particulièrement amusante… Pour les base jumpers, pas de soucis, déjà 7 secondes de silence avant l’impact.

Le lendemain nous essayons à nouveau de nous extirper du toit en libre sans y parvenir puis nous enchainons sur 3 longueurs magnifiques et variées. Nous grimpons avec une corde à simple ce qui permet à deux grimpeurs de réaliser l’ascension en tête. Le premier la grimpe puis se vache au relais et se désencorde en renvoyant son brin. Cette technique permet de grimper en « pink point », c’est-à-dire avec les points déjà en place pour le second, ce qui change bien le jeu dès lors qu’il faut se protéger sur coinceurs. J’en profite pour purger la fin d’une longueur qualifiée de « loose » dans le topo en partant avec une prise juste sous le relais, loin au-dessus d’un point visiblement solide. Cette chute réalisée, je poursuis dans la «guillotine». Une « pitch » facile mais effrayante puisqu’il faut se rétablir sur un bloc énorme posé juste au-dessus du relais. J’y parviens sans nous tuer tous les trois, ce que j’estime être une réussite, puis fais relais au pied d’un toit en fissure large. Enzo réussira à enchainer ce 5.13, le verrou en « Chicken Wing » et les pieds dans le toit semblant être la seule méthode possible pour passer.

Le lendemain bien sûr nous nous reposons avec Léo. Evidemment Enzo… Non ! Il continue d’écumer les blocs de la vallée. Il tord au passage en quelques minutes un V12 sur une proue futuriste puis nous fait changer de secteur et ainsi de suite jusqu’à la nuit. Demain nous partirons déposer nos « pigs » à Mammoth terrass, au sommet du Free Blast dans El Corazon. Pas besoin d’être en forme donc !
Nous nous engageons pour de bon dans le mur le surlendemain avec 80 litres d’eau, 3 kilos de riz, des conserves de poisson à la tomate, et un assez gros réservoir pour encaisser l’équivalent de tout cela une fois digéré… Et oui, ici, contrairement à nos montagnes alpines, la zone est beaucoup trop fréquenter pour déféquer n’importe où…

Le premier jour consiste à grimper des longueurs de dalles aléatoires qui font blémir à la pensée qu’un être humain ait pu les grimper sans corde. Puis nous commençons à proprement parler El corazon par des longueurs peu difficiles mais parfois engagées. Le soir venu nous sommes à « Grey Ledge », j’en profite pour monter en artif dans « Beak Flake » 5.13b et repérer pour demain. Nous dormons sur nos portaledges et prenons la mesure d’El Cap.

Le lendemain nous enchainons cette belle écaille de bec puis une longueur moins difficile mais absolument magnifique « Beam Flake ». Bien décidé à vouloir me venger de ma dernière prestation dans une longueur qualifiée de « loose » dans le topo, je me lance dans une traversée en modeste 6c apparemment « scary ». Effectivement je parviens facilement à me faire peur mais j’en réchappe et Enzo relaye pour une longueur difficile qui demande un engagement certain. Protégé par un Bird Beak (ou piton en forme de bec d’oiseau), le crux réclame d’aller « au mastik » ce qu’il fait sans mal. Léo enchaine derrière lui, pour ma part je tombe dans un mouvement de jeté puis les rejoins. Le vide se creuse car nous surplombons le fameux cœur d’El Cap. Léo tord rapidement la pente de Bobby le lapin (ou « Bobby’s bunny slope en anglais ») et nous rejoignons la ligne directe de dièdres caractéristiques de cette voie. La suite s’annonce variée, dure et large. Tout un programme !

Nous montons notre camp pour un tarot. J’en profite pour creuser l’écart vers le bas en continuant de perdre à ce jeu désagréable alors que nous recevons des gouttes d’eau excessivement grosses. Ces petites bouteilles de Volvic nous éclatent dessus de manière mesquine. Etant donné que nous avons dû changer les portaledges de place la nuit dernière en recevant les mêmes assauts de ces résurgences éphémères à 2 heure du matin, Léo décide de prendre les devants en nous motivant à bouger tout de suite au relais suivant. Bien que plus encaissé et donc moins agréable pour se poser, il semble sec. Nous hissons de 30 mètres notre camp et nous nous affalons. Mes épaules et mes bras commencent à se décomposer tranquillement et nous attaquons les longueurs les plus dures demain…

El Cap
El Cap

Enzo nous sert brillament un 5.12b offwidth pour le petit dej. Je me fais quasiment vomir le muesli en l’enchainant en second, les yeux révulsés et les genoux brulés vifs par l’effort insupportable de ce genre de longueur. Il s’agit de grimper dans une lame bien plus large que l’épaisseur du buste mais pas assez pour se placer en opposition avec les pieds. Il faut en somme imiter les oiseaux qui vivent dans cette paroi. Pour les avoir finement observés durant une errance quelconque au relais, j’ai pu voir qu’ils avaient tout compris à la méthode. Il faut donc placer la voute plantaire le long du mur situé dans votre dos, les genoux posés sur la surface devant vous. Vous veillerez à ne plus tenter de réfléchir et repterez ainsi jusqu’au sommet de la longueur, les paumes de mains en appuis devant parfois derrière… Parfois les deux. Il faut juste se faire mal, c’est le principe de la discipline. Un passage en verrou de papillon, le genou coincé dans la fissure et voici le relais. Je m’y hydrate à la manière d’un potomane puis recouvre progressivement mes esprits. Une longueur tout aussi large mais moins dure suit pour arriver au pied du dièdre cafetier (ou « Coffee Corner »). Léo trouve une méthode de fin limier et nous l’imitons avec Enzo. Ce 5.13 n’est pas physique mais je trouve quand même le moyen d’arriver au sommet daubé, une longueur d’anthologie.

Nous sommes alors séparé d’une vire certes peu large mais accueillante d’environ 30 m. Pour la rejoindre, si nous l’acceptons, il faut se farcir les avants bras pendant la dite distance de 30 mètres, les pieds souvent à plat et les mains (heureusement moins souvent mais ça arrive) à plat aussi. Ce morceau qui me parait fort brave du relais n’est qu’une formalité pour Enzo qui le « marche littéralement » en se protégeant, à vue. Léo parvient après un repérage à l’enchainer, pour ma part je mets des essais infructueux en espérant que demain tout ira mieux… Ce qui est peu probable mais mieux vaut se la jouer optimiste.

Le lendemain donc je me sens évidemment beaucoup plu fatigué que la veille ce qui est cohérent mais un bon essai me pousse jusqu’au dernier crux au bout de la trav où je m’effondre. Cette longueur est complètement délirante à grimper et l’endroit où elle se trouve, pendu à 800 mètres du sol, au dessus du cœur d’El Cap, fait d’elle un beau morceau de varappe.

Bien vidé des jours précédents je n’aurai pas l’énergie de réessayer et me contente de poursuivre vers le haut dans les longueurs suivantes, communes avec Golden Gate. Enzo les réalise à vue pendant que Léo les flashe. Nous rejoignons le sommet en fin d’après-midi, pour ma part éreinté, poncé et dépecé mais vraiment heureux d’avoir pu grimper une voie de cette classe. Pour Léo et Enzo, le travail en libre est torché. Chapeau !
Par bonheur notre camping car a besoin d’aller au garage pour un problème de freins ce qui nous permet de nous évader de cette vallée diabolique pour quelques jours. Cet endroit me donne la sensation cauchemardesque de grimper dans une Patagonie dans laquelle il ferait toujours beau. Heureusement pour les alpinistes, les longues journées d’errance liées au mauvais temps patagon permettent d’envisager une expédition plus reposante que ce « vis ma vie d’Enzo Oddo pendant 5 semaines » dans lequel nous nous sommes retrouvés.
Heureusement pour lui, un spot de couennes comportant une vingtaine de voies dans le 8b et plus traine dans le coin. Il les enfile comme des perles au rythme de 3 8b/c par jours pendant que nous nous remettons des efforts accomplis. L’assurer seulement me semblant déjà fatiguant…

Pour la suite nous nous lançons dans « Lurking Fear » une voie de 700 mètres de la face ouest d’el cap que nous décidons de grimper à la journée. Il s’agit en fait de la voie d’artif la plus facile du Capitan. Un « petit mur » que nous conseille vivement Paulo Dudas, un copain chamoniard grimpant lui aussi dans la vallée. Les longueurs les plus difficiles étant des dalles infames en 5.13c, nous artifons ces passages et grimpons les longueurs de fissures avec plaisir. Des splitters parfaits s’enchainent pour nous mener une petite dizaine d’heures après notre départ dans la voie sur le plateau sommital. Nous redescendons dans la foulée puis ramenons Léo à San Francisco.
Heureusement pour ma santé une dépression massive débarque sur le Yoz pour 10 jours et ce n’est pas sans malice que je vois les prochains projets Big wall se transformer en une semaine de bloc à Bishop. Nous y terminerons le voyage avec Enzo en se ponçant correctement les coussinets avant de rentrer en France, les avants bras gavés.

Un voyage varié et un entraînement parfait pour les prochaines expéditions techniques. Un grand merci à Enzo pour ce mois passé ensemble, une chance d’avoir pu réaliser ce voyage inspirant en sa compagnie.

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Partenaire matériel et habillement et partenaire des MXP.

Le nom Millet devient célèbre dans les années 30 avec les premiers sacs à commissions munis de bretelles. Adapté quelques années plus tard au sac à dos, l’idée signe rapidement le succès de la marque française. Le développement de produits techniques pour la montagne apporte à la marque une forte image, renforcée par la signature des meilleurs montagnards de leur génération.

Julbo

Partenaire pour les lunettes et masque de haute montagne.

Julbo est avant tout une marque aux choix techniques reconnus. La marque jurassienne s’appuie sur ses concepteurs/designers pour la création de ses gammes de produits, des lunettes de soleil aux lunettes optiques en passant par les casques et masques. Julbo maîtrise l’ensemble du processus de fabrication : conception assistée par ordinateur, atelier de mécanique pour créer ses propres outillages, moules et pièces…

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Tingerlaat a été conçu spécifiquement pour tous les passionnés de sport qui exposent leur peau à des conditions climatiques extrêmes lors de la pratique de leur activité sur neige, sur eau, sur terre, dans l’air. L’objectif est d’apporter des innovations technologiques adaptées aux besoins actuels de la peau des sportifs.

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Partenaire pour la technologie mobile outdoor.

Des smartphones étanches, résistants et endurants, ils répondent parfaitement aux besoins des alpinistes du Groupe grâce à une autonomie incomparable. Lors des deux dernières expéditions qui ont eu lieu au nord du cercle polaire arctique, le Groupe Militaire de Haute Montagne a embarqué le smartphone TREKKER-M1 et l’a utilisé dans les conditions les plus extrêmes.