7 continents, 7 alpinismes

Introduction

L’alpinisme est un domaine particulièrement varié, tant par le nombre de pratiques et de styles que par la diversité des domaines d’évolution.
On peut donc parler de différents styles d’alpinisme plutôt que d’un alpinisme.

A travers le monde, il reste encore aujourd’hui de nombreuses voies à explorer et de nombreuses ascensions à réaliser.

Partant de ces constatations et fort des capacités collectives qui le caractérisent, le Groupe Militaire de Haute Montagne envisage un projet d’envergure pour les années à venir.

Ce projet a pour but de réaliser sept expéditions sur les sept continents (selon la définition des alpinistes de ce terme)
Chacune de ces expéditions met en œuvre une pratique et un style d’alpinisme différent.

Par ce projet, nous voulons faire connaître au grand public l’alpinisme sous ses différentes formes en le pratiquant sur les montagnes du monde.

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Point de départ

L’alpinisme est un appel au voyage. Le terrain d’entraînement devient trop exigu et l’alpiniste ressent le besoin d’aller découvrir d’autres montagnes.
Suivant les régions du monde, les montagnes induisent des pratiques différentes et conditionnent ainsi les ascensions.

Dans l’élaboration de ce projet, nous avons voulu privilégier les éléments suivants :
– Projets vécus collectivement:

L’une des caractéristiques du GMHM est de fonctionner en équipe. Nous avons donc cherché des expéditions qui mettraient en œuvre cette capacité.
– Projets d’ascensions originaux :

Nous voulons aborder ces projets chaque fois sous un angle nouveau et les faire partager à un large public.
– Expéditions difficiles à organiser :

L’expérience acquise par le GMHM dans l’organisation et la réalisation d’expéditions lui permet de proposer des projets innovants dont la mise en œuvre est parfois délicate.
– Possibilité d’utiliser des moyens lourds :

Plus qu’une possibilité c’est une capacité du GMHM.
– Projet s’inscrivant dans la durée :

Le Gmhm existe depuis bientôt trente ans et est capable d’élaborer des projets sur le long terme. Et si l’équipe est amenée à évoluer, le cœur du groupe ne changera pas.
– Illustrer l’aventure :

Ce terme est aujourd’hui galvaudé, mais partir à l’assaut d’une montagne loin de ses bases demeure toujours une grande aventure.
– Raconter une histoire humaine :

Cette histoire, c’est à la fois celle d’une équipe et celle des peuples et des cultures rencontrés au cours des voyages.
– Projet novateur :

Novateur dans sa globalité, considérer l’alpinisme et les continents comme un tout et les lier entre eux à travers une histoire commune.

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Les pratiques de l’alpinisme

Nous nous sommes penchés sur l’histoire de l’alpinisme et nous avons caractérisé quelques-unes de ses pratiques ainsi que l’évolution des règles et de l’éthique.

L’escalade libre :

Cette discipline, issue de l’alpinisme, est devenue une activité à part entière dès la fin des années 70. Elle consiste à gravir des itinéraires rocheux par ses propres moyens, l’équipement des voies ne servant que pour l’assurage du grimpeur.
Plusieurs voies ouvertes en escalade artificielle sont devenues de véritables challenges à réaliser en escalade libre.
Cette activité, par l’ultra spécialisation nécessaire, s’éloigne de l’alpinisme. Aussi, nous nous sommes orientés vers l’ouverture de nouveaux itinéraires, ce qui demande davantage de polyvalence, caractéristique principale de l’alpinisme.

Règles :
L’ouverture s’effectue du bas, ce qui implique de repérer une ligne logique que l’on suivra. Dans les zones de rocher compact, on place un équipement à demeure (spits) à l’aide d’une perceuse. Dans les zones de fissures, on utilise un équipement amovible type friends, coinceurs. Des cotations, indiquant la difficulté des passages, sont établies. Ces itinéraires peuvent ensuite être répétés par des grimpeurs avec peu de matériel.

L’escalade artificielle :

L’escalade artificielle permet de gravir des faces rocheuses très raides de type “big wall“ en utilisant des moyens autres que sa seule force : pitons, étriers, friends…
Autrefois, c’était la seule technique possible lorsque les difficultés devenaient trop importantes.
Toutefois, l’escalade artificielle a permis l’ouverture d’itinéraires d’ampleur, grâce notamment à l’utilisation de matériel comme les micro pitons, les plombs, les crochets. Cette discipline a donc recouvré une seconde jeunesse.

Règles :
Ouvrir une voie en escalade artificielle se fait en partant du bas. Une grande quantité de matériel est nécessaire. L’ascension se faisant généralement sur plusieurs jours, avec des nuits en parois, outre l’équipement, il faut également emporter le matériel de bivouac.
Utilisation limitée des spits et des cordes fixes (cordes mise en place au cours de la montée, qui permettent de redescendre à n’importe quel moment).

L’altitude :

C’est sans doute la discipline noble de l’alpinisme ; là où tout est amplifié, ou tout devient difficile. Les plus belles pages de l’histoire de la conquête des montagnes par l’homme se sont écrites sur ces hauts sommets.
Depuis les années 20, date des premières expéditions à l’Everest, le style a beaucoup évolué. Les expéditions se sont considérablement allégées, moins de matériel, moins de grimpeurs, moins de camps intermédiaires et surtout des ascensions sans oxygène. C’est l’alpiniste Reinold Messner qui sera le premier à gravir l’Everest sans oxygène en 1978.
Aujourd’hui, les expéditions se veulent plus rapides en limitant les aller et retour sur la montagne. Après une phase d’acclimatation, les alpinistes tentent le sommet en déplaçant leur bivouac au fur et à mesure. On parle alors de style alpin.

Règles :
Une utilisation limitée des cordes fixes et sans oxygène. Privilégier le style alpin ou semi alpin.

Le ski :

Le ski a longtemps été utilisé comme un moyen de déplacement. Puis il a évolué vers les disciplines que l’on connaît aujourd’hui, voire vers une utilisation extrême comme la descente de pentes raides. Pour nous, le ski doit rester étroitement lié à l’alpinisme et servir non seulement de moyen de déplacement mais également d’un moyen pour redescendre les sommets gravis.

Règles :
Redescendre à ski les sommets gravis.

La cascade de glace :

Au même titre que l’escalade libre, la cascade de glace est née de l’alpinisme, pour devenir petit à petit une discipline à part entière. Elle consiste à gravir des structures de glace qui se forment l’hiver à l’aide de piolets et de crampons.

Dans une ascension sur glace, le grimpeur place lui-même ses protections pour s’assurer. Ces protections sont plus ou moins fiables suivant la fragilité de la glace. Dans l’escalade, en général, la difficulté d’un itinéraire vient à la fois de sa verticalité et de sa longueur. En glace pure, ces deux paramètres sont limités car les structures de glace raides ne peuvent se former sur de grandes hauteurs et les parties surplombantes sont rares. La discipline a donc évolué avec l’apparition du “dry tooling“ qui consiste à gravir des voies très raides à dominante rocheuse dans lesquelles la glace n’apparaît que partiellement. Dans ces itinéraires, les points d’assurance sont souvent à demeure (spits).

Règles :
Dans des itinéraires traditionnels en glace, on place soi-même ses protections. Si les structures sont fragiles ou rocheuses, les protections peuvent être placées au préalable.

L’escalade mixte :

Le terrain mixte est le terrain du montagnard par excellence, mélange de rocher, de glace et de neige, obligeant l’alpiniste à s’adapter rapidement. Celui-ci grimpe avec piolets et crampons. Même dans les parties rocheuses, il garde ses outils pour éviter de perdre du temps. La cordée s’assure en plaçant au cours de la progression, des points d’assurance de type pitons, friends, coinceurs.

Dans ce type de terrain, suivant le niveau de difficulté, il peut y avoir de grandes différences de rapidité entre les grimpeurs.

Règles :
Utilisation du style alpin ou semi-alpin.

Les itinéraires neigeux :

La neige est sans doute la première difficulté que les alpinistes ont osé braver. La difficulté réside principalement dans l’assurage, souvent problématique dans ce type de terrain. Ces itinéraires ne sont généralement pas les plus raides ni les plus techniques. Pourtant ce sont les plus exposés par la difficulté d’assurage mais aussi par le risque potentiel d’avalanche. La descente est tout aussi délicate que la montée.

Règles :
Utilisation limitée des cordes fixes et ascensions dans le style le plus léger possible et le plus rapide.

Ce découpage sans être exhaustif représente bien les différentes facettes de l’alpinisme aujourd’hui.

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La genèse du challenge

Pour imaginer ce challenge, nous nous sommes inspirés de celui des « seven summits ».

Cependant, il n’est pas question pour nous de le reprendre dans son intégralité.
Nous avons voulu l’adapter et le modifier pour coller à la structure de notre équipe et à nos savoir-faire, en retenant toutefois l’idée des sept continents.

Sur terre on ne compte que cinq continents, pourtant compte tenu des caractéristiques spécifiques de certains massifs montagneux, les alpinistes, en divisant l’Amérique en deux et en considérant l’Antarctique comme un continent, en définissent 7.

D’autre part, sept est un chiffre mythique. Que ce soit à travers les cultures ou les religions, ce chiffre revient souvent : les sept couleurs de l’arc en ciel, les sept notes de la gamme, les sept trompettes de Jéricho, les sept Merveilles du Monde, le septième ciel, sept jours de la semaine, etc.

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Caractéristiques

Le fil conducteur de ce challenge est de lier un continent avec une pratique de l’alpinisme, en essayant de respecter ce qui est propre à chaque continent.

Dans certains cas, la répartition est arbitraire. Nous nous réservons la possibilité de la modifier.
L’Afrique – l’escalade libre
L’Amérique du Sud – l’escalade mixte
L’Amérique du Nord – les arêtes de neige
L’Asie – l’altitude
L’Océanie – le ski
L’Europe – la glace
L’Antarctique – l’escalade artificielle

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Les règles du challenge

– Diversité des lieux :

Vouloir illustrer ces pratiques à travers sept continents est une contrainte, tout aurait pu être fait en Europe. Pourtant par ce choix délibéré de partir à travers le monde, il y a un véritable challenge.
– Une pratique, un continent :

Conserver cette association, une pratique pour un continent, même si, pour certaines raisons nous seront amenés à inverser.
– Garder une seule équipe :

L’équipe évoluera certainement au cours des années, mais le noyau restera en le même.

La réalisation du projet ne repose pas uniquement sur la réussite d’un individu mais bien sur celle d’une équipe.
– Ethique des pratiques :

Une des règles les plus importantes, est le respect de l’Ethique des différentes pratiques de l’alpinisme. C’est aussi ce qui conditionne la réussite de ce projet.
– La durée :

Ce projet est conçu sur une période de cinq ans, en conservant la possibilité de l’étendre à huit, afin de permettre, en cas de préparation insuffisante ou de tentative infructueuse, de recommencer.
– Respect de l’environnement, et des cultures locales :

Les expéditions d’aujourd’hui sont très attentives au milieu dans lequel elles évoluent. C’est de cette seule manière que l’on peut envisager notre activité dans la durée, qu’il s’agisse de respecter l’identité des populations ou l’environnement.

Ce projet est volontairement très ouvert, les expéditions telles qu’elles sont prévues peuvent évoluer.

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Durée

L’ensemble des expéditions de ce challenge se déroulera sur cinq ans. Il débutera dés janvier 2005 pour s’achever en 2010. Nous prévoyons toutefois un délai supplémentaire en cas d’échec sur l’un des projets, de manière à prévoir d’autres tentatives, ou réaliser un projet de rechange.

2005

  • 1er semestre = AFRIQUE : Mali (Ouverture de voies d’escalade)
  • 2e semestre = AMERIQUE DU SUD : Chili San Lorenzo

2006

  • 1er semestre
  • 2e semestre = OCEANIE : Ski en Nouvelle Zélande

2007

  • 1er semestre
  • 2e semestre = ARCTIQUE : Groënland (Moulins glaciaires)

2008

2009

  • 1er semestre = ANTARCTIQUE : Queen Maud Land (Fin)
  • 2e semestre = ASIE : Himalaya

2010

  • 1er semestre
  • 2e semestre

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Communication

Aujourd’hui il est difficile de communiquer à travers un alpinisme classique même en accomplissant des exploits. En effet cela tient à la difficulté de faire partager les réalisations avec le grand public.

L’un des buts de ce projet est de raconter l’alpinisme dans son ensemble. C’est pourquoi nous essayerons à chaque fois d’expliquer les règles et les différentes pratiques pour les faire partager au plus grand nombre. Rendre l’alpinisme accessible et compréhensible est un challenge.

Dans ce projet nous associerons autant que possible un photographe et un cameraman ; les contacts sont déjà établis avec l’ECPAD.

L’objectif est de réaliser un film et un livre traitant de ce challenge dans son ensemble.

Toutefois plusieurs des expéditions pourront donner lieu à un film à part entière.
En parallèle, le GMHM, organisera des opérations de communication, participera à des colloques.

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Expérimentation

C’est l’une des missions du GMHM. Il s’agit aussi bien de tests de matériel que de tests physiologiques.
– Dès 2005, nous démarrons une période expérimentale avec l’IMASSA (Institut de Médecine Aérospatiale du Service de Santé des Armées) sur “métabolisme et activité physique prolongée en conditions hostiles“.

D’autre part, le GMHM propose d’expérimenter durant cette période le para moteur, là encore les contacts ont été pris et l’expérimentation pourrait commencer dans le courant de l’année 2005. Ces appareils pourraient être utilisés dés la prochaine expédition en Amérique du Sud.

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Conclusion

Les contraintes, que nous nous sommes imposés, rendent ce projet ambitieux.

En effet il est difficile de passer d’une activité à l’autre, et contraignant d’organiser dans un laps de temps somme toute assez court, autant d’expéditions si différentes.
Cependant il nous semble que le GMHM peut relever ce challenge.

Le projet n’est pas figé et sera certainement appelé à évoluer. Nous voudrions associer d’autres pratiques comme le parapente, le para moteur, le ski alpinisme avec l’adjudant Sbalbi.

L’aventure humaine est aussi une dimension que nous voulons mettre en avant, soit en essayant d’associer des personnes extérieures au GMHM. Ce sera le cas pour le Mali puisque nous partirons avec Arnaud Petit, (champion du monde d’escalade en 96) que nous connaissons bien, soit par la rencontre des populations locales.

A travers ce projet, nous voulons contribuer à faire connaître l’alpinisme en expliquant d’une part ses différentes pratiques, mais aussi son éthique.

Dans un avenir plus ou moins proche alors que nous serons passés aux sept coins de la planète, peut-être qu’il ne restera qu’une aventure vécue ensemble avec beaucoup de difficultés surmontées mais aussi tous ces peuples et ces cultures rencontrés. Un kaléidoscope de notre terre. Une facette différente de notre Armée de Terre.

Le GMHM Kirghizstan 2004
Le GMHM Kirghizstan 2004